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04/03/2022
L'interview bleue: Isaline Sager-Weider
Avec Terville-Florange, surprenant quatrième du championnat, Isaline Sager-Weider s'amuse à déjouer les pronostics cette saison en Ligue A. En plus de son rôle de centrale, la joueuse de l'équipe de France s'efforce d'apporter son calme et son expérience au TFOC, comme elle le fait avec les Bleues.

Terville-Florange est la belle surprise de la saison, quatrième de Ligue A. On n’a pas l’habitude de voir le club aussi haut, vous devez prendre beaucoup de plaisir ?

C’est vrai que depuis janvier, nous sommes dans une spirale positive. Notre passeuse et notre réceptionneuse-attaquante poste 4, Anna Spanou, ont pris plus de confiance. On a le plus petit budget de la Ligue A, ou l’avant-dernier budget, donc nous n'avons pas vraiment de pression quand nous entrons sur le terrain. Nous sommes un petit peu la bête noire de la Ligue A. Nous avons tout à gagner quand nous jouons contre les gros. Au mois de décembre, quand nous avons gagné contre Nantes, nous nous sommes rendu compte qu’on pouvait faire un truc chouette. Mais le problème de notre première partie de saison est que nous avons manqué de régularité, nous pouvions avoir des passages à vide de cinq-six points dont nous n'arrivons pas à nous dépêtrer. Depuis, nous avons considérablement réduit cela. Et plus on gagne, plus on prend confiance, plus l’adversaire doute… C’est un jeu mental qui se met en place.

Et cela vous donne de l’appétit ?
Nous avons envie de plus, forcément. Nous allons jouer de gros matchs avant la fin de la saison régulière : Nantes, Mulhouse, plus Saint-Raphaël ce week-end et Béziers dans deux semaines. C’est juste dommage pour ce match au Cannet (défaite 3-1 le week-end dernier), parce que nous sommes parties avec trois filles en moins à cause des cas de Covid. Cela nous a un peu coupées dans notre élan, même si nous n'avons pas démérité malgré un système un peu spécial. A certains moments, je jouais derrière, mais je restais vraiment derrière (rires). C’est dommage de ne pas avoir eu tout l’effectif, mais cela nous a montré que dans n’importe quelle circonstance, on peut toujours faire quelque chose quand on y croit, avec beaucoup de travail et d'envie.

Cette saison de Terville, c’est une belle histoire pour vous ?
Le travail du staff est remarquable. Notre préparateur physique est très bon, son travail commence vraiment à payer, notre statisticien est top également. C’est un petit club familial ici, tout le monde fait tout. Cette semaine, j’ai vu notre coach s’occuper du baby-volley. Tous les salariés du club sont vraiment dévoués, chacun apporte sa pierre à l’édifice, tout le monde s’entraide. Je n’ai jamais vu cela dans un club. J’ai retrouvé mes valeurs, j’ai retrouvé le goût au volley. Romain Pitou (le coach), c’est vraiment quelqu’un d’atypique. Je l’ai rencontré en formation. Quand je me suis blessée au genou, j’ai poursuivi ma formation d’entraîneur. On se croisait souvent, parce que j’ai joué longtemps à Vandoeuvre, et cela fait très longtemps qu’il est au TFOC. Nous avons vraiment accroché car nous avons la même vision du jeu. Si je suis venue ici, ce n’est pas pour le salaire ou le cadre de vie (rires), c’est vraiment pour mes potes. Je connaissais aussi Damien et Simon, le préparateur physique et le statisticien. Nous avons tous à peu près le même âge. Quand tu joues pour les autres, quand tu joues pour tes amis, tu peux te surpasser. Et aussi, nous ne sommes que dix joueuses pro dans l’équipe, c’est plus facile pour la concurrence, et donc elle est très saine. Bref, on se sent bien ici. Il y a de la musique à l’entraînement, Romain fait des blagues... Quand je prends ma voiture pour venir à la salle, je suis vraiment contente.

"J’aimerais vraiment offrir au club sa première Coupe d’Europe"

En décembre, tu disais à Xavier Richefort que tu aimerais bien emmener le club en Coupe d’Europe. Est-ce toujours l'objectif ?
Chaque personne aimerait un jour laisser une petite trace quelque part. Oui, j’aimerais vraiment offrir au club sa première Coupe d’Europe. Déjà, cela risque d’être les premiers playoffs, c’est déjà quelque chose de particulier. Donc faire partie de l’équipe qui a permis au club de participer à sa première Coupe d’Europe, ce serait quelque chose de fort. Mais pour cela, il ne faut vraiment pas déconner sur la fin de championnat. Il faut qu’on se concentre pour avoir la meilleure place possible en saison régulière, et ensuite on verra qui va aller en finale, qui va gagner la Coupe, ce qui va décaler les places européennes.

Tu as joué pointue sur certains matchs ?
Oui, j’ai joué deux matchs à la pointe. Dans notre équipe, la grosse concurrence, c’est au centre. On est trois centrales, et notre coach dit toujours qu’on mériterait de jouer toutes les trois. Nous avons chacune des qualités différentes, mais qui se complètent bien. Au mois de janvier, j’ai eu une entorse de la cheville. Ruta (Stanyulite) a saisi l’opportunité et elle a très bien joué. Sur les deux premiers matchs où je suis revenue, je n’ai pas joué du tout, parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne, et je n’ai aucun problème avec cela. Ensuite, Romain avait envie de changement, la pointue n’était pas forcément à la hauteur de ses attentes ce jour là. Il m’a fait rentrer à la pointe au premier set contre Chamalières, nous avons gagné, et comme on ne change pas une équipe qui gagne. Donc le match d’après contre Evreux j’ai également joué à la pointe. Le dernier match au Cannet, à cause des cas Covid, je suis retournée au centre. Il y a de la rotation, tout le monde joue. Pour le coach, c’est vraiment compliqué le choix au centre.

Plus généralement, es-tu contente de ta saison ?
Ce n’est pas ma meilleure saison sur le plan statistique, c’est clair et net. Par contre, je sens que je suis quand même importante dans l’effectif en termes d’énergie et de sérénité. Je suis plus focalisée sur le côté collectif que sur le nombre de points que je marque. Je suis très contente de ma saison au service. J’ai fait 18 services le dernier match, 24 le match d’avant. Je tourne autour de 15 à 20 services par match, avec zéro faute. J’espère que cela ne va pas me porter la poisse d’en parler ! (rires) Mais je suis contente, parce que même si ça ne fait pas tout le temps des aces, j'arrive à créer de bonnes situations et comme notre bloc est très bon, cela met notre équipe en bonne position. Il y a eu parfois des tournants de match quand je suis passée au service. J’essaye de me concentrer sur cela, et ce n’est pas grave si je n’ai pas trop de ballons en attaque. Ce n’est pas ma meilleure saison, mais cela me va, je sais quel est mon rôle, les valeurs que je dois garder. Que je sois dans un bon match ou pas, je n’ai pas le droit de flancher sur tout ce qui est énergie, sérénité, je dois beaucoup parler avec les filles, les encadrer les filles, c’est mon rôle, celui que j’ai aussi en équipe de France, et je l’accepte ! Je m’en fiche si je ne brille pas.

Un rôle qui peut te préparer pour une carrière d’entraîneur ?
Je pense que je serai coach comme je suis coéquipière, avec peut-être un peu plus de fermeté. Mais attention, ce n’est pas parce que j’ai fait une formation que je serai coach ! J’ai aussi un Master activité physique adaptée, je suis prof de sport pour les personnes en situation de handicap et j’ai suici une formation de management très récemment. J’entraîne déjà depuis des années, je suis adjointe au CFC (centre de formation) du TFOC. J’ai entraîné dans toutes les catégories, chaque saison, hormis à Cannes l’année dernière à cause du Covid. J’essaye d’avoir plusieurs cordes à mon arc pour trouver la meilleure chose ensuite. Et en attendant, ce qui est important, c’est de profiter de chaque moment sur le terrain, parce que ma carrière arrive au bout, c’est indéniable. Il n’y a plus de marche arrière. Je me sens très bien, mais je sais que je suis en bout de course. C’est l’un des seuls boulots où on sait qu’il y a une date limite, donc j’en profite beaucoup plus qu’avant.

"Avec les Bleues, c'est super agréable de voir
à quel point on progresse en tant qu'équipe"

Dans ce contexte, le dernier Euro avec les Bleues, et le très bel été dans son ensemble, ont dû te faire encore plus plaisir ?
Oui, j’ai beaucoup aimé et je n’ai pas envie de m’arrêter là ! J’essaye de rester lucide, mais s’il y a 2% de chances de faire les Jeux Olympiques, je vais jouer le coup à fond. Je suis une grande rêveuse. Je vais me donner les moyens, si cela se fait, c’est génial, sinon, ce n’est pas dramatique. J’ai toujours envie d’essayer !

Y a-t-il aussi l’envie de continuer à progresser en tant qu’équipe ?
Je pense que mon niveau, je l’ai atteint, il faut juste le maintenir. Je ne vais pas devenir d’un coup la meilleure joueuse du monde. Mais c’est super agréable de voir à quel point les jeunes progressent entre chaque été, et de voir à quel point on progresse en tant qu’équipe. L’empreinte d’Emile Rousseaux commence à être très présente. Il y a plein de choses à travailler, nous faisons des heures et des heures sur certains aspects techniques, et cela s’est vu à l’Euro. Et je me dis qu’avec l’évolution de certaines filles qui ont autour de 24-25 ans, sachant que l’apogée pour une attaquante, c’est plutôt 26 ou 28 ans, elles ont encore de la marge. Et c’est super agréable de les voir évoluer comme cela. Mais après il faut temporiser la fougue ! Certaines filles ont des capacités physiques très impressionnantes qui se développent, mais il faut ensuite gagner en sérénité et en stabilité dans les moments clés. Je ne dis pas que c’est moi qui vais leur apprendre tout cela, mais si je peux apporter deux ou trois choses, je le ferai avec grand plaisir.

Quel potentiel vois-tu à ce groupe ? Tu disais être une grande rêveuse, une médaille aux JO de Paris est-elle possible ?
Il faut être réaliste et il faut prendre un été après l’autre. L’été qui arrive sera un peu moins chargé, parce qu’on est déjà qualifiées pour l’Euro 2023, où nous essayerons de faire mieux (que le quart de finale en 2021). Pour cet été, l'objectif est de gagner la Golden League, pour pouvoir prétendre à rejoindre la VNL. C’est vraiment un gros objectif. Ensuite, il faut vraiment être raisonnable. C’est bien de rêver, c’est bien de voir grand, c’est pour cela qu’on se lève le matin. Mais il faut rester calme. Pour les Jeux, le but c’est surtout de grandir, d’atteindre le meilleur niveau possible. Et il y a des objectifs intermédiaires avant Paris.